Les écoles de design se rapprochent d’autres écoles, et notamment des grandes écoles de management pour apporter à leurs étudiants une vision nouvelle du monde, leur apprendre une nouvelle manière de l’appréhender et leur enseigner des pratiques pour le changer.
Former les managers du futur
Les grandes écoles de management ont pour vocation, entre autres, de former les managers de demain. Les former dans un monde complexe où la langue n’est plus le seul vecteur de communication, les former à s’adapter, à anticiper et surtout les former à un monde qu’ils écriront, fait de compétences nouvelles et interdisciplinaires. La question pourrait également être inversée, que ce soit dans un sens ou dans l’autre, le monde change et les écoles de design autant voire plus que d’autres doivent en tirer les conséquences et prendre leur responsabilité. Il s’agit de réinventer un monde où les logiques économiques, industrielles, sociales et politiques, ne peuvent plus s’ignorer, ou pire, s’instrumentaliser les unes les autres. Elles doivent au contraire s’articuler, sinon se fondre. Quoi de plus naturel alors que de former les acteurs de ces articulations disciplinaires ? Quoi de plus évident que de préparer tous les acteurs à approcher les problèmes de manière centrée sur l’humain, que cet humain soit un utilisateur, un usager, un consommateur, un professionnel ou un citoyen ? Quoi de plus urgent que de sortir des approches académiques classiques, basées d’abord sur la transmission de savoirs verticaux, pour passer à une pédagogie horizontale par projets où le savoir s’acquiert parce qu’il est mis en oeuvre ? Quoi de plus logique, donc, que de faire du design, partout ?
Vers le décloisonnement des métiers
Les écoles de management engagent leurs étudiants à s’immerger dans un contexte différent, perturbant parfois, afin de travailler différemment sur le développement de valeurs et de produit. A l’heure où la technologie est le premier assistant, le décloisonnement des métiers rapproche le manager du designer. Cela recentre l’humain au coeur de l’organisation et permet à ces étudiants de savoir fonctionner et évoluer ensemble. Le design ne doit donc pas être vu par les écoles de management comme une opportunité de construire des électifs récréatifs pour des étudiants sous pression, mais comme une opportunité pour se réinventer, pour préparer les managers de demain à être des humanistes pragmatiques et efficaces, qui porteront en eux les logiques contradictoires d’une société complexe, mais qui disposeront aussi des outils pour en résoudre les équations.Cette capacité à répondre à des injonctions devenues contradictoires – pour faire simple, passer du « marché contre les gens » au « marché pour les gens » – sera la condition de l’émergence des écoles de management de demain. Cela semble une bonne raison de nouer des alliances avec des écoles de design, non ?
Grenoble Ecole de Mangement et Strate alliés depuis 2009
Depuis la création de cette alliance réciproque dont nous sommes fiers, nous avons vu passer une centaine d’étudiants dans un sens ou dans l’autre. Ils sont les pionniers dans ce domaine et ont maintenant pour mission d‘utiliser ces double compétences en entreprise. Il est d’ailleurs étonnant, en les écoutant, de se rendre compte qu’ils utilisent cette double culture à des postes, métiers et projets là où au départ nous ne les attendions pas : dans les travaux publics dans la gestion d’équipes et les contraintes des marteaux piqueurs, dans le conseil sur du design de processus avec Microsoft Excel pour humaniser des tableaux de chiffres.Si nous sommes convaincus de cette richesse, il n’en reste pas moins que le parcours n’est pas terminé, il faut désormais que les entreprises osent casser les cloisons qui peuvent exister entre marketing et design, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, cela fonctionne bien dans tous nos travaux de groupes dans nos deux écoles pour avancer et se comprendre mieux.
Louis Quignon, diplômé de GEM et de Strate témoigne
Je fais partie de la deuxième promotion d’étudiants ayant obtenu le double diplôme entre Strate Ecole de Design et GEM. Ce type d’association de compétences est pour le moment quasiment inédit. Nous devons donc petit à petit trouver notre place dans l’entreprise et définir ce que nous pouvons lui apporter car nous ne travaillons pas tous, une fois diplômés, chez un employeur intégrant ce type de profil.C’est d’ailleurs mon cas. Suite à mon diplôme, j’ai accepté un poste dans un cabinet de conseil. J’ai ensuite commencé à travailler sur une mission de longue durée consistant à déployer des méthodes industrielles, le lean management chez un grand acteur du secteur de la construction. Le contenu de cette mission était directement lié aux enseignements vu à GEM : pratiques d’organisation industrielles, compréhension du management de la conduite du changement… etc. Cependant, elle nécessitait également une démarche en plusieurs étapes : formulation concrète d’un problème, observation, formalisation simple et compréhensible des pistes… afin de répondre aux besoins d’un utilisateur, de la même manière que le ferait un designer. Des liens existent : ainsi, la réflexion autour du diagramme d’Ishikawa me semble très proche de la cartographie du designer. Au quotidien, l’apprentissage de la démarche du designer permet de s’interroger sur sa méthode de travail, avoir une vision globale et pragmatique, orientée vers l’utilisateur (et le client tel qu’on l’appelle dans certaines disciplines). Ceci étant compatible avec d’autres méthodes de travail (marketing par exemple).
Par Béatrice Nerson,
Directrice Adjointe de l’ESC Grenoble (GEM)
et Dominique Sciamma,
Directeur, Strate Ecole de Design